L'aiguille Noire de Peuterey est un rêve d'alpiniste faisant partie de la liste des 100 plus belles de Gaston Rébufat. Elle est le commencement de l'intégrale de Peuterey qui file au Mont Blanc mais peut-être réalisée indépendamment et est déjà une sacré course rocheuse, longue, exigeante, sur du très bon granit. Son arête Sud se développe sur 1100m de dénivelé en passant par une multitudes d'aiguilles jusqu'au sommet de la Noire à 3772m.
Un ancien refuge gardé "le refuge Boreli", nous servira de camp avancé afin de partir au plus tôt le matin pour sortir si possible au sommet avant la nuit et y bivouaquer. Les sacs à dos sont bien remplis, pas sur de trouver de l'eau plus haut et il faut compter pour deux journées et une nuit.
Denis contemple l'objectif depuis notre refuge, la tête déjà dans les aiguilles, la haut... Ce n'est pas son coup d'essai, nous commençons à bien nous connaitre, avec plein de courses variées ensemble, comme cet enchainement Eperon Frendo, Arête Kufner en deux jours l'année précédente ou encore Natilik à Céüse, la Demande dans le Verdon, la traversée du Lyskam...
Nous partirons en fin de nuit, l'approche est assez courte sur une moraine raide jusqu’à l'attaque de la voie au pied de l'Aiguille Gamba. c'est parti pour une grosse journée de grimpe! La Gamba se contourne par la droite sans passer par son sommet, nous visons directement la Pointe Bifide à 3215m. Le soleil nous a déjà rattraper et l'escalade est vraiment belle sur un bon et beau granit chaud. Si ce n'est le poids des sacs à dos, qui nous meurtris les épaules et le dos, c'est un régal de varappe.
La vue sur le Mont Blanc, versant Italien est splendide, le glacier du Freney qui descend en cascade est spectaculaire. L'idée d'aller jouer sur une des puissants pilier du Mont blanc ne laissent pas insensible. Pilier du Freney, cascade du Brouilard, des noms qui résonnent pour alpinistes aguerris, que nous seront peut être un jour...
La journée est déjà bien entamée, nous tenons un rythme tranquille mais correct. Malgré tout, nous ne serons pas au sommet ce soir, qu'a cela ne tienne, puisque il y a deux cordées devant nous qui vont également bivouaquer. Les emplacements ne sont pas légions, nous trouverons bien un emplacement plus haut. Prochaine aiguille en vue, la pointe Brendel, avec une surprise, de l'eau qui coule d'un petit névé. Nos gorges desséchées vont appréciées...On peut remplir nos bouteilles vides, nous aurons de quoi faire une bonne soupe ce soir.
En attendant, nous avançons encore, grappillant des dizaines de mètres d'escalade, toujours sur ce beau granit. La vue est de plus en plus aérienne, sur les aiguilles en dessous de nous, on aperçoit tout en bas le Val Veny.
Finalement, nous méritons du repos, nous posons nos gros sacs juste sous le sommet de la point Ottoz à 3586m sur deux belles plateformes en terre fine avec quelques mousses en guise d'oreillers.
La nuit tombe, nous sombrons dans un sommeil profond, aux premières loges pour un coucher de soleil et une lune qui se lève en même temps. La nuit est claire, étoilée, tout est parfait à cet instant...puis, a travers mon sursac, je perçois le bruit d'une goute! je rêve sans doute la météo annonçait grand beau même la nuit. Je sors un bras et observe au dessus de ma tête. Plus une seule étoile n'apparait dans le ciel, sapristi, ce n'est pas le lieu idéal pour prendre une averse surtout en pleine nuit. "Denis, tu dort? Non, tu entends, il pleut!" Oups, l'esprit s'anime de milles questions, nous n'avons pas le choix que de patienter emmitouflés dans nos sacs de nuit. Par chance, la météo ne s'était pas trompé, l'averse fut de courte durée, le rocher ne sera pas mouillé et nous et nos affaires non plus.
Il est tant de s'activer, le jour se lèvera dans 1h environ, je me secoue, Denis en fait autant. Nous prenons un bon petit déjeuner, le corps se réveille doucement. Les sacs sont prêt, c'est reparti, aux premières lueurs du jour, direction le sommet. Il nous reste la pointe Bich à passer mais les difficultés sont derrière nous. Le plus dur est de faire le premier pas puis le soleil nous rattrape et nous réchauffent le corps. Le sommet est en vue après un petit rappel, depuis la pointe bich. La dernière escalade jusqu'au sommet de la Noire n'offre plus la même qualité de granit, on commence a trouver ce conglomérat brisés qui caractérise la descente que nous devrons effectué sur l’arête Est.
C'est fait Denis, bravo pour cette belle ascension. La descente sera longue, expo en rocher pourri...mais nous avons toute la journée pour rejoindre la vallée en repassant au refuge Boreli. Huit heures de descente quand même, ce n'est pas rien. Cette descente qui ressemble a un gigantesque entonnoir donne l'impression de pouvoir passer partout mais il vaut mieux ne pas s'égarer des descriptions du topo.
Le créneau météo fut optimal car en arrivant à Boreli, nous prenons a nouveau les premières gouttes de pluie sauf que cette fois, ci c'est un vrai bon orage qui va tomber. Nous pourrons patienter au sec qu'il passe avant de rejoindre la vallée.
Une belle course rocheuse engagée mais pas dangereuse (a part la descente). J'y reviendrai volontiers pour continuer sur l'intégrale. Merci Denis pour ta confiance et ces moments de montagne partagé.